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 L'accompagnement au jour le jour

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MessageSujet: L'accompagnement au jour le jour   L'accompagnement au jour le jour EmptyMar 19 Déc - 16:32

L'ACCOMPAGNEMENT AU JOUR LE JOUR


Les chemins qui vont amener chaque enfant vers le jour de la sortie du service sont semblables. Au début, le bébé est dans sa couveuse, perfusé, scopé, gavé en continu. Au fil des jours, chaque changement dans la prise en charge éloigne le bébé du monde médical : les fils et les tuyaux qui le relient aux différentes machines disparaissent, les uns après les autres ; la sortie de la couveuse qui permet aux parents d'avoir dans leurs bras leur bébé habillé, un "vrai bébé", comme ils le disent, est souvent vécue comme une nouvelle naissance. L'autorisation de commencer à téter est aussi un moment très important car les parents se sentent alors vraiment utiles ; de même pour le bain qu'ils peuvent donner quotidiennement s'ils le souhaitent. Vient ensuite le moment où l'enfant n'a plus besoin de sonde de gavage parce qu'il boit "tout" son biberon et où la courbe de poids est ascendante. La sortie prochaine est alors annoncée aux parents.

Pour nous, personnel soignant, ce chemin est bien connu, relativement maîtrisé et à la limite banal. Cette banalité de l'évolution du prématuré dans un service de pédiatrie néonatale ne doit à aucun moment nous faire oublier que, même si sur le plan médical, l'enfant est hors de danger, la naissance prématurée est toujours un cataclysme pour les parents. Ceux qui nous paraissent les plus tranquilles par rapport à la prématurité de leur enfant restent malgré tout sur le qui-vive et le moindre événement inhabituel peut les déstabiliser.

Pendant cette période, nous serons les témoins privilégiés de la mise en place de l'attachement. Cet attachement se développe jour après jour, en fonction de ce que le bébé a vécu et mémorisé, et en fonction de la manière dont la mère s'adapte aux caractéristiques propres de son bébé. Il ne peut se mettre en place que parce que l'angoisse a diminué et que l'anticipation d'un avenir commun est possible.

Nous observons souvent, à partir de quinze jours de vie de l'enfant, les premiers signes de ce processus. La maman est remise physiquement de son accouchement, le choc de la naissance prématurée s'est atténué et, parce que l'hospitalisation sera quelquefois longue, la vie au quotidien autour du bébé s'installe.
Le bébé, après les premiers jours stressants de réanimation ou de soins intensifs, retrouve lui aussi une vie plus calme, rythmée par les soins à heures régulières. Les paroles où les parents se sentent reconnus par leur enfant témoignent de cet attachement naissant :




  • les parents de Joris : "Il nous reconnaît quand on arrive, il pleure quand on le remet dans la couveuse au moment de partir".

  • la maman de Benoît : "Il bouge et s'étire quand je lui dis bonjour dans sa couveuse".

  • la maman de Julie et Mélanie : "J'ai de plus en plus de mal à les quitter".
L'apparition de demandes et même d'exigences faites sur un mode revendicatif plus ou moins agressif peut aussi être un signe de ce début d'attachement et donc de réinvestissement du bébé.
Nous allons voir comment accompagner le bébé et ses parents dans la mise en place de ce processus d'attachement. Quelles que soient les conditions de l'hospitalisation (gros problèmes médicaux, problèmes sociaux, visites plus ou moins fréquentes de la mère, difficultés de communication à cause de la langue . . .), ce travail d'accompagnement sera orienté afin que le bébé puisse être à sa sortie en "bon état de communication" pour retrouver son milieu familial, y avoir une place et pour que ses parents puissent l'accueillir comme un bébé pas étranger, qu'ils puissent connaître et comprendre.

L'accompagnement pour le bébé.
En suivant l'évolution du bébé prématuré, cet accompagnement sera adapté à chacun selon son terme, son propre développement et les possibilités de ses parents. Si les parents sont présents quotidiennement, nous verrons plus loin quelle sorte d'accompagnement proposer à la triade bébé-mère-père.

Lorsque cette triade a du mal concrètement à se constituer (absence momentanée de la mère, visites rarissimes des parents, maladie psychiatrique d'un des parents), nous proposerons alors pour ce bébé un accompagnement particulier dans la continuité.
Comme nous l'avons vu, les premiers jours de ce bébé prématuré sont très stressants : les interventions du personnel médical et paramédical sont fréquentes et le rythme propre du bébé perturbé. C'est pourquoi, à ce moment-là, nous l'observerons beaucoup sans le toucher, tout en nous tenant informés de son évolution sur le plan médical. Lorsqu'il n'arrive pas à retrouver une certaine détente malgré la mise en place de l'ensemble "pare-excitations" , nous intervenons en contenant son corps, une main enveloppante de manière ferme au niveau de son bassin et l'autre main enveloppante de manière plus légère au niveau de ses bras ramenés sur sa poitrine (cet enveloppement doit être léger car la plupart de ces bébés ont eu, ou ont encore, des problèmes respiratoires et une pression un peu forte sur leur thorax peut être très désagréable pour eux). Cette manière de contenir le bébé doit être proposée avec calme, sans à-coups, sans bruit, sans aucune autre stimulation et en prenant son temps.

Ensuite, nous prenons le bébé dans les bras à heures régulières. Il est posé le ventre contre notre poitrine, enveloppé et bien contenu dans les deux pans de la blouse. Il semble apprécier les massages assez appuyés de son dos avec la paume de nos mains car il émet des petits sons semblables à ceux émis par les chatons léchés vigoureusement par leur mère.

Plus tard, le bébé posé sur les cuisses, nous massons son crâne avec une brosse douce, du front vers l'arrière de la tête ; ses bras, en insistant avec notre pouce sur l'ouverture de la main ; ses jambes, en insistant sur la plante des pieds. Nous ouvrons et refermons doucement ses bras, nous ramenons ses jambes vers son ventre en position de lotus. Cet éveil psychomoteur est accompagné de mots sur sa vie dans le service, ses parents, ses frères et s?urs.

Dès que possible, nous cherchons le contact par le regard et quand celui-ci est bien établi, le sourire qui apparaît quelquefois sur le visage du bébé est un vrai bonheur pour les personnes qui ont la chance d'être présentes à ce moment privilégié.

L'accompagnement pour les parents.
Les parents, les premiers temps, observent leur bébé pendant de longs moments. Chaque mimique, chaque mouvement, chaque sursaut, chaque petit bruit émis par leur bébé est source de questionnement. Ils sont avides d'informations sur la prématurité en particulier. Ils sont toujours étonnés de découvrir les qualités de leur bébé. Nous les guidons dans cette découverte en ayant nous même une connaissance, approfondie par l'expérience, du développement et des capacités du prématuré. Les aspects moins positifs (bébé ayant du mal à boire malgré le terme avancé, hypotonique, endormi) ne seront pas niés mais toujours replacés dans un contexte d'évolution propre à chaque enfant. Cependant, nous pouvons à tout moment être étonnés et surpris par certains bébés "hors-normes".
Nicolas, né à 6 mois 1/2 de grossesse, a été mis très tôt contre le sein de sa maman. Il a commencé à téter efficacement (environ 10g) au terme de 32 semaines (sept mois de grossesse) alors que la plupart des prématurés commencent seulement à le faire au terme de 36 semaines . . .

Nous nous intéresserons ensuite aux parents non seulement en tant que géniteurs, mais aussi en tant qu'êtres humains. Pour cela, nous allons parcourir ensemble un itinéraire qui va nous permettre d'imaginer leur vie à l'extérieur de l'hôpital. Tout en conversant autour de la couveuse, nous allons nous intéresser aux s?urs et aux frères du bébé, à la manière dont ils sont gardés pendant les visites de la maman, leur naissance à eux, les grands-parents maternels et spécialement la mère de la mère, les grands-parents paternels, la famille, les amis, la vie professionnelle, et leur passion dans la vie . . . Ces conversations informelles nous permettent de saisir une ambiance familiale qui prend en compte, bien évidemment, la réalité intérieure de la maman, celle du papa, mais également la réalité extérieure. Elles nous permettent de reconstruire, pour y situer le bébé, l'histoire familiale sans chercher à faire la part de la réalité historique et des fantasmes familiaux.

Enfin, devant l'ambivalence des parents vis à vis de leur bébé prématuré, nous tenterons de les déculpabiliser en la resituant dans la normalité de celle de chaque parent. L'ambivalence des sentiments d'amour et de haine est bien connue pour les mères des bébés nés à terme : en effet, la mère croit qu'elle fait tout pour lui, et lui, comme l'a montré Winnicott (1958), " il est cruel, la traite comme moins que rien, en domestique sans gages, en esclave ", " il faut que la vie se déroule à son rythme ". En un mot, sa tyrannie est sans limite et ses remerciements se font attendre.

Lors d'une naissance prématurée, cette ambivalence est exacerbée. Toute la vie des parents doit s'organiser autour de ce tout petit, faible et malingre, sans avoir en retour le plaisir gratifiant de le materner ni de pouvoir le contenter.

La maman de Johan, né prématurissime à six mois de grossesse nous dit : "je sais que Johan est mon fils, mais je n'arrive pas à m'y intéresser. Je lui en veux, les gens autour de moi me disent que je suis folle". Elle a été soulagée, nous a-t-elle dit, quand elle a su que les mères qui accouchaient comme elle très prématurément ressentaient toutes le même genre de sentiments, et donc "elle n'était pas folle".

Nous nous attachons également à l'ajustement du lien corporel entre le bébé et son entourage maternant. Comme lors de la première rencontre, notre présence dense mais légère ne doit agir que comme un catalyseur. Suivant les demandes et les questions des parents, nous proposerons plusieurs manières de porter le bébé, quelques petites astuces pour le calmer, des massages pour le stimuler. Toutes ces propositions sont faites afin que les parents prennent ce qui leur convient à eux avec leur bébé, l'assimilent et en fassent une manière unique d'être corps à corps. Des modèles de comportement psychomoteur vont alors se constituer chez le bébé à l'occasion de nombreuses interactions en "double feed -back" (Anzieu, 1985). Ces comportements, observés par les parents et par nous, que nous leur restituons ensuite, deviennent un moyen de connaître les réactions du bébé dans diverses situations. Les parents découvrent que, même si leur bébé suit un développement identique à celui d'autres bébés prématurés, le leur est une vraie personne reconnaissable dans sa singularité.

Tout ce travail d'accompagnement forme une sorte de cadre, un ensemble de contenants que nous aimons imaginer comme ces poupées russes en bois peint qui sont contenues les unes dans les autres : le bébé étant bien sûr la toute petite poupée centrale, puis la maman, le papa contenant la mère contenant le bébé et enfin le service de pédiatrie néonatale contenant l'ensemble.

Nous savons que cet accompagnement a ses limites. Comme l'a montré Soulé (1977), " Le devenir du prématuré est tributaire des possibilités maternelles à intégrer le traumatisme, dépendantes de chacune et des autres membres de la famille ".
Nous souhaitons, pour chaque maman, mettre au profit de la relation avec son bébé la moindre de ces possibilités, l'aider à retrouver une certaine capacité de rêverie au sujet de son bébé et lui permettre de retrouver une empathie affective mais aussi corporelle. Nous nous situons là dans ce que Winnicott (1958) appelle "l'aire intermédiaire" : " Nous supposons ici que l'acceptation de la réalité est une tâche sans fin et que nul être humain ne parvient à se libérer de la tension suscitée par la mise en relation de la réalité du dedans et de la réalité du dehors, nous supposons aussi que cette tension peut être soulagée par l'existence d'une aire intermédiaire d'expériences (. . .) Cette aire intermédiaire est en continuité directe avec l'aire de jeu du petit enfant perdu dans son jeu ".

Grâce à notre propre empathie (Lebovici parle " d'empathie métaphorisante "), nous souhaitons que les parents puissent trouver leur place dans cette aire intermédiaire, véritable sas entre l'intérieur et l'extérieur et qu'ils y retrouvent le plaisir du jeu imaginaire au sujet de leur bébé. Ce plaisir ne peut advenir que si nous-mêmes acceptons de prendre plaisir à cette rencontre, de mêler intimement ce qui se passe dans le corps et dans la tête et puis ce que " ça " peut nous faire et le " ça ", justement, le laisser venir, remonter de la nuit de notre temps, en ne se laissant ni absorber, ni anéantir.
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