Un nouveau corps
On entend souvent l’adolescent dire : « je ne me reconnais pas ». Et pour cause : son corps se métamorphose, et parfois violemment. S’arrêtera-t-il de changer ? Et quand cela s’arrêtera, serai-je content du résultat ? Va-t-il me laisser tomber, me trahir ? Toutes ces questions hantent le jeune qui voudrait savoir à quoi s’en tenir.
L’adolescent est capable de passer des heures devant le miroir en admirant ses formes nouvelles, mais peut aussi, à d’autres occasions, malmener son corps ou le mettre à l’épreuve. Différentes raisons le motivent pour agir ainsi, et le plus souvent ces raisons sont inconscientes ; par exemple, face au manque de contrôle de ses émotions internes et des événements externes, son corps devient le seul objet qu’il peut tenter de maîtriser pour se calmer. A d’autres moments, il pousse son corps dans des comportements à risque pour le mettre à l’épreuve et connaître ses limites. Ces comportements, selon leur degré, leur fréquence et leur contexte, peuvent être pathologiques et matérialiser une souffrance que l’adolescent ne peut soigner seul (voir Partie III).
Par ailleurs, l’importance donnée au vêtement et au style nous montre la relation privilégiée au corps à cette époque de la vie. Pour l’adolescent, les vêtements sont des « secondes peaux » ou des « carapaces ». Ils montrent et voilent en même temps. Ainsi, dans un double mouvement d’exhibition et d’inhibition, l’adolescent décide de s’approprier son corps subi en choisissant ses accoutrements.
Le style vestimentaire et les marques faites sur le corps (tatouage, piercing) dans des mesures variées participent à cette appropriation. Il peut s’agir de vêtements larges dissimulant les formes et les complexes, d’un style particulier qui vient faire oublier le corps en le barrant d’une étiquette, ou encore d’une féminisation exagérée, comme une caricature, qui suggère une sexualité active (bien qu’étant généralement le signe d’une fuite en avant face à l’angoisse d’une telle sexualité).
Quel que soit son choix de fonctionnement, l’adolescent habille ce corps et transmet un message. Son identité, qu’il est en train de transformer et de construire, s’appuie sur cette image du corps. Il cherche à mettre du sens là où le réel, dans sa crudité, le confronte à l’imprévu. Les marques gravées dans le corps comme les tatouages et les piercings sont des manifestations de refus du corps hérité tel quel. Il s’agit pour ces adolescents d’un moyen nécessaire pour arriver à se l’approprier.
Cette relation ambivalente au corps est symptomatique de la problématique adolescente. Sur le limon de l’image du corps, la construction de l’identité se poursuit et connaît une évolution magistrale.