La vie après une fausse couche
Une grossesse sur cinq ne se rend pas à terme. Même si les fausses couches sont malheureusement fréquentes, un tabou semble toujours les entourer. Et la douleur de celles qui en vivent une est toujours aussi grande.
Par Martine Batanian
Lundi soir, dans une salle de réunion du Centre hospitalier Pierre-Boucher, à Longueuil, ils sont une quinzaine, des couples et des femmes, à partager leur histoire pour se soutenir et traverser ensemble la fin de leur rêve. Leur rêve, c'était de mener à terme une grossesse, d'accoucher d'un nouveau-né en santé et de devenir parents pour une première ou une énième fois.
Parmi eux, Annie et Francis, 32 ans, un jeune couple qui vient de perdre son enfant au huitième mois de grossesse. Il y a aussi la belle Gabriella, 34 ans, effondrée par sa récente interruption de grossesse à 26 semaines, après trois autres fausses couches. «Actuellement, j'essaie de faire le deuil de mes quatre grossesses et des cinq années que j'ai consacrées à essayer d'avoir un enfant, confie Gabriella. Je trouve ça tellement injuste et je ressens beaucoup de colère.» Sentiment d'injustice et d'impuissance, colère, tristesse, culpabilité, soulagement parfois... les émotions associées à une fausse couche ou à un arrêt de grossesse sont multiples et vives.
«Au moins 20% des grossesses ne se rendront pas à terme. Cela inclut les femmes qui n'ont jamais su qu'elles étaient enceintes et les autres, rares, qui ne se sont pas présentées à l'hôpital, explique Lynda Hudon, obstétricienne à l'Hôpital Sainte-Justine. De plus, 60% des fausses couches ont lieu pendant les trois premiers mois de grossesse.» La fausse couche -- ou avortement spontané, comme préfère l'appeler le personnel médical -- est une expulsion du bébé ou des cellules embryonnaires. Elle a généralement lieu entre la quatrième et la vingtième semaine. «Toutefois, dès le deuxième trimestre, lorsque l'enfant est entièrement formé, plutôt que de dire qu'elles ont fait une fausse couche, certaines femmes préfèrent annoncer à leurs proches qu'elles ont accouché avant le temps prévu», explique Chantal Verdon, une infirmière spécialisée en périnatalité et en deuil périnatal (la périnatalité est la période précédant et suivant immédiatement la naissance).
Une grossesse interrompue
Quelques jours avant de connaître le sexe de son enfant, Isabelle, une commis-comptable de 26 ans, étrangement, ne se sentait plus enceinte. Ce pressentiment allait malheureusement se révéler exact. Le malaise d'Isabelle a commencé par de fortes crampes au bas-ventre. «J'étais aux toilettes d'un cinéma quand j'ai constaté que je saignais. La panique s'est alors emparée de moi. J'ai foncé vers mon conjoint et je lui ai demandé de m'amener à l'hôpital.» À 10 semaines, en présence du médecin, Isabelle a d'abord perdu ses eaux puis son enfant, un petit garçon. «Lorsque la médecin m'a annoncé le décès de mon bébé, j'ai eu tellement mal! Je me disais: non, pas moi, pas après avoir tenté de tomber enceinte pendant sept ans!»